Fondation du 2 mars: présentations
Fondation du 2 Mars
La Fondation Marc-Bloch a été créée le 2 mars 1998 pour être le pendant républicain de la Fondation Saint-Simon (cercle de la pensée unique sociale-libérale, autodissout le 31/12/1999). Suite à une décision de justice, le conseil d'administration de la Fondation Marc-Bloch a adopté, le 11 avril 2000, à l'unanimité moins l'abstention de Pierre Lévy, le nom de Fondation du 2 Mars.
Appel fondateur En dépit des promesses répétées des gouvernants de donner la priorité à la bataille de l'emploi, voilà vingt-cinq ans que le chômage progresse en France. Nous pensons, par conséquent, que nous allons entrer dans une zone de hautes turbulences. Le fragile édifice européen, incapable de rassembler les peuples dans une démocratie continentale, risque d'en être secoué. En France, la décomposition politique, dont la progression du Front National est la manifestation politique la plus inquiétante, peut en être mécaniquement accélérée. Nous ne voulons plus nous accommoder de cette "étrange défaite" qu'on inflige à nouveau à la France. Voilà pourquoi nous créons la Fondation Marc-Bloch. Hommage au courage et à la lucidité de l'homme, elle se veut avant tout instrument de résistance et de regroupement intellectuels. Résister à la pensée unique ou conforme sera son objectif. Mais aussi rassembler ceux qui, dans le monde de la pensée et dans celui de l'action (partis, syndicats, associations), sont déterminés à élaborer de nouvelles perspectives politiques, économiques, sociales, diplomatiques et culturelles dans le cadre des valeurs de la République et de l'humanisme. En confrontant nos analyses, en faisant progresser, par delà nos différences, la pensée critique et en la diffusant, nous souhaitons contribuer à hâter le sursaut. 2 mars 1998 |
conseil d'administration élu le 25 septembre 1999 Suzel Anstett* * membres au 11/04/2000 |
membres fondateurs le 2 mars 1998 Jean-Marie Alexandre
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L'étrange victoire d'Étienne Bloch Sommes-nous coupables d'une "escroquerie intellectuelle", comme l'écrit Étienne Bloch qui, voulant nous interdire de nous référer au nom de son père, l'historien Marc Bloch, use d'une violence polémique bien surprenante (Le Monde du 28 septembre) ? Voici dix-huit mois, nous avons décidé, avec des centaines de citoyens et d'intellectuels d'activités et d'options politiques diverses (gaullistes, communistes, socialistes, trotskistes, écologistes, syndicalistes, économistes, philosophes, historiens, juristes, etc.) de débattre en commun de la meilleure façon de défendre, de développer et d'actualiser un certain nombre de valeurs républicaines, au sein de l'Association pour la Fondation Marc-Bloch. Nous avons choisi le nom de Marc Bloch en référence au résistant. Comme lui en son temps, nous sentons bien, même si les situations sont très différentes, que la volonté politique subit depuis une vingtaine d'années une "étrange défaite" qu'il convient d'analyser avant de la circonscrire. à quoi servent la démocratie et le suffrage universel si chaque gouvernement avoue son impuissance à s'opposer aux décisions d'une poignée d'actionnaires de fonds de pension ou de cartels devenus quasiment monopolistes dans plusieurs secteurs d'activité ? Que signifient les principes des droits de l'homme ou de l'"ingérence militaire" s'ils sont appliqués de façon sélective en fonction des desiderata de la superpuissance du moment ? Que deviendra la souveraineté, si la conditionnalité et l'unilatéralisme deviennent la règle du droit international, comme il en est question dans les négociations de l'OMC ? Que deviendra l'indépendance de l'information si l'AFP, l'une des trois dernières agences de presse mondiales, entre à son tour à la Bourse ? Qu'est-ce que le droit des femmes, si une commission de hauts fonctionnaires européens peut, par simple décret, les empêcher de consulter des gynécologues ? Nous avons choisi le nom de l'historien en référence au Résistant Ces questions, et bien d'autres, méritent d'être mises sur la place publique sans que ceux qui les posent soient stigmatisés comme "nationalistes" ou "attardés", comme l'affirme Etienne Bloch. Son père n'a-t-il pas écrit : "Il est deux catégories de Français qui ne comprendront jamais l'histoire de France : ceux qui refusent de vibrer au souvenir du sacre de Reims ; ceux qui lisent sans émotion le récit de la Fête de la Fédération" ? L'Europe idéale dont rêvait ce dernier, en 1944, n'a que peu de rapports avec les institutions européennes d'aujourd'hui, contaminées par l'ultralibéralisme et marquées par un évident déficit démocratique. Seuls ceux qui ignorent nos publications, se contentant de lire certains journaux pour caricaturer nos opinions, peuvent proférer de telles invectives. M. Bloch nous accuse de nous rassembler sous le seul portique de la pensée critique. Mais qu'est-ce que la liberté de l'esprit quand il n'y a plus de pensée critique ? Là encore, le père de M. Bloch rappelait : "Le sens des nuances n'est-il pas un privilège français ?" (L'étrange Défaite, p. 198). Le plus stupéfiant n'est cependant pas dans ces propos outranciers qui n'engagent que leur auteur. Il réside dans les attendus de la décision de justice concernant le nom de notre association. Il est peut-être légitime qu'un tribunal se prononce sur une confusion pouvant exister entre deux associations (Association Marc-Bloch et Association pour la Fondation Marc-Bloch), problème qu'il serait facile de résoudre. Mais il nous paraît inquiétant qu'il tranche entre deux interprétations d'une pensée aussi riche que celle de Marc Bloch, l'une devant être sanctionnée pour "non-conformité". Qu'un tribunal puisse se faire l'interprète autorisé d'une pensée ou le juge d'une vérité doctrinale confine à la création d'un délit d'opinion. Si la norme juridique s'applique à la réflexion politique et à l'activité intellectuelle, elle se rapproche dangereusement de la tyrannie, et la dissidence ne tardera pas à devenir une délinquance. Le nom de Marc Bloch appartient, certes, à ses héritiers, auxquels nous renouvelons l'expression d'un respect qui n'est guère réciproque, mais aussi, mais d'abord, au domaine public, compte tenu de ce qu'il symbolise pour l'histoire des hommes. Nous avons trouvé dans L'étrange Défaite et dans Marc Bloch un lien fécond entre l'économie et les mentalités, et un patriotisme qui s'appuie sur l'universel et la dénonciation des élites défaillantes. C'est parce que Marc Bloch a dit ce qu'il a dit, écrit ce qu'il a écrit, vécu comme il a vécu, que nous avons choisi son nom. Le droit du sang aurait-il le monopole de l'héritage spirituel ? Si Étienne Bloch a forcément raison parce qu'il est le fils de son père, la République perd une occasion de montrer qu'elle est toujours « le régime de tous » (L'étrange Défaite, p. 219). Le Monde, 10 octobre 1999
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